1911-01
En dehors de la culture des terres labourables et de l’industrie fromagère (façon gruyère) qui d’ailleurs ne date que d’un siècle, les habitants de la paroisse durent chercher à occuper une partie de l’année, et surtout les longs mois d’hiver.
Les habitants de Châtel de Joux, travaillent de temps immémoriaux à l’exploitation des forêts qui entourent leur village : abattage et charroi des bois et charbons aux diverses usines de Clairvaux et Pont-de-Poitte. Si bien même qu’en 1785, en dehors du groupe bâti autour du château, la commune comptait 25 familles disséminées dans les bois, s’occupant exclusivement de la fabrication des charbons que les habitants du village munis d’attelages conduisaient aux forges de Vertamboz et de la Saisse. Actuellement encore les habitants de Châtel de Joux, se livrent au charroi des sapins aux usines de Clairvaux et Pont-de-Poitte.
Les habitants d‘Etival, auxquels les travaux des champs laissaient de nombreux loisirs, d’autant qu’anciennement la population était assez dense, – en grand nombre carriers et tailleurs de pierre, émigraient en Suisse, pour travailler à la construction de routes, de fours à chaux et de travaux de maçonnerie, avec pour salaire 30 francs par mois, une nourriture grossière, mais du moins saine et fortifiante, Puis en hiver plusieurs s’occupaient de la fabrication d’écuelles et pochons en bois de hêtre, qu’ils vendaient à des forains parcourant les villages.
Les habitants de Ronchaux plus spécialement, s’occupaient de la fabrication de buffets ou armoires de foire : et cela de temps immémorial. (En 1550 Gilbert Cousin « le président je crois! » qui écrivit la statistique du pays de Clairvaux, s’exprime ainsi en parlant de gens d’Etival et Ronchaux, panarii opifices ouvriers faisant des buffets à garder le pain ) mais ce commerce naissant ne s’étendait pas au-delà de quelques lieux par suite d’ordonnance du Roi d’Espagne, souverain de la Franche-Comté.
Après la Révolution ceux d’Etival et Ronchaux agrandirent considérablement leur fabrication de meubles divers (Docteur Pyot statistiques du canton de Clairvaux)
Ces buffets ou armoires appelés par leurs fabricants eux-mêmes du nom ironique de ratières (attrape-rats : les rats ne pouvant y pénétrer – ou nids-à-rats, ceux-ci perforant facilement le meuble)
Ils étaient de deux formes, les uns (les plus anciens) d’un seul compartiment avec une porte, (rarement deux) constituaient le genre buffet ordinaire. Les autres se composaient de deux parties à peu près semblables, la partie inférieure avec double porte et plusieurs rayonnages servant à mettre le nécessaire du ménage, pain etc. ; la partie supérieure se plaçant simplement sur l’autre partie du meuble, primitivement avec ses rayonnages non fermés servaient de vaisselier.
Actuellement cette partie supérieure fermée à double porte, sert plutôt à placer le linge. Toutes les essences de bois du pays entrent dans la confection de ces meubles, Sapin, Foyard, Frêne, Noyer, Erable, Pommier sauvage; autrefois teint en rouge sang (façon acajou ? !!) aujourd’hui de préférence couleur noyer.
Ces meubles achevés (la forme primitive) étaient transportés aux foires de Louhans, la Balne, et autres lieux où vendus, ils devenaient le buffet de noce des proprettes Bressanes.
Actuellement ces meubles (sous la deuxième forme exclusivement) sont conduits à Saint-Claude, où ils deviennent l’armoire omnium de la famille ouvrière.
Très florissante naguère, cette industrie a disparu d’Etival depuis longtemps et n’a cessé de diminuer aux Ronchaux (En 1856, le correspondant local de Rousset, constatait que la négligence de cette industrie qui n’a plus que quatre vénérables soutiens devra-t-elle, hélas ! mourir avec ses défenseurs ???)
Vers 1860 fut importée de Longchaumois par M.Charles Bauduret, l’industrie de la lunetterie, un atelier fut installé aux Ronchaux, mais ce genre de travail ne prit pas d’extension et ne dura que 10 à 15 ans.
Depuis bientôt 60 ans, l’industrie hivernale s’est transformée dans la paroisse. La fabrication au tour des articles sur bois (articles de Moirans) – toupies, manches divers, cafetière, blaireau, cachet, tampon etc. a pris, surtout depuis 1870, insensiblement une grande extension. D’abord dans la plupart des familles, le tour familial actionné aux pieds ; et depuis 1906 deux usines avec moteur à pétrole actionnant chacun une quinzaine de tours, ont été bâties à Ronchaux.
Je ne sais si le travail à l’usine et durant toute l’année, offre les mêmes avantages et les mêmes garanties morales et économiques que le travail familial ? Je le souhaite de tout cœur ! Mais sans préjuger, vu la cherté de la matière première et la rareté des commandes dans la saison d’été, je croirais plus profitable le travail hivernal sur le tour et durant la belle saison les travaux des champs, avec l’élevage et l’entretien de vaches laitières.
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