La seigneurie de Châtel-de-Joux

1911-05

Le signe distinctif de Haute-Justice, portait, nous l ‘avons vu, le nom de Signe ou Fourches patibulaires.
Celui de la Moyenne-Justice était le Carcan.
Voici la description de ces deux instruments de justice pour la seigneurie de Châtel de Joux.
« Lesd’ habitants dud’ Châtel-de-Joux reconnaissent et confessent appartenir à mond’Seigneur et Dames desd’successeurs , l’authorité de aud’village du Châtel-de-Joux dresser un pilier de bois ou de pierre au lieu que bon lui semble et dans y celuy enclaver un collier de fert pour punition et correction des délinquans qui y seront condannés par lesd’sieurs baillif , châtelains ou leurs lieutenans. »  C’est le CARCAN

« Deplus reconnaissent et confessent mond’Seigneur et les Seigneurs et Dames avoir même droit et puissance d’avoir rière la terre et seigneurie dud’Château-de-Joux, un signe patibulaire à trois colonnes présentement dressé sur une coline ou éminence au bas dud’village proche du grand chemin tirant à clervaux, appelé le molard des fourches y celuy construit et élevé, comme dit est de trois colonnes de bois avec couronnement et élévation en forme de châpiteau auquel lieu se font tout acte de haute-justice et exploits deheus inclusivement suivant sentence des d’Seigneurs juges de Châtel-de-Joux »T.1669

« Lesd’habitants de Châtel-de-Joux, Estival et Ronchaux, reconnaissent et confessent être tenus d ‘assister avec bonnes et suffisantes armes aud’Châtel-de-Joux, lorsqu’on y fait les actes de Haute-Justice en faisant supplicier quelque criminels …. » T.1667 et 1669

Au souvenir et à la description de ces appareils ou instruments de justice, que le lecteur n’aille pas, à l’instigation du primaire le dressement du signe patibulaire n’implique pas nécessairement le fait d’une exécution capitale. Et pour le cas, ni la tradition locale, ni aucun titre connu, ne permet d’établir le fait d’une exécution capitale à Châtel de Joux pas même celle des fameux brigands de la «grange du fresnois» sous la Crochère, connus sous le nom patronymique de Janlorant. Et puis, si le ou les coupables méritaient la mort ……de se faire rendre justice mieux que de nos jours. En effet au-dessus du Seigneur féodal, il y avait le Suzerain et le Parlement de Justice auxquels il pouvait toujours en appeler.
Je dirai même, que la vue du carcan, souvent placé sur le lieu du délit, que celle du signe patibulaire, élevé sur une éminence au bord des grands chemins, devait faire une impression, que ne peut faire la pensée du couperet enfermé dans une remise.
Voici d’ailleurs l’expression d’un droit qui montre le soin du Seigneur à rendre justice à ses sujets, c’est l ‘obligation, sous peine d ‘amende, pour l ‘outragé lui-même de dénoncer le coupable.
(Voir emplacements et simulations.)

 » Et lesdud’ Châtel-de-Joux, reconnaissent et confessent appartenir à mond’ Seigneur l’ authorité de connaître et informer de tous outrages qui se commettent rière led’château de Joux et territoire d’icelle comme dit est, et lorsqu’un est outragé avec effusion de sang, la partie offensé est tenue dedans 24 heures après l ‘outrage, révéler led’sang et outrage aud’procureur de mond’Seigneur, à apine, qu’autant outrage et offense recelant de l ‘amende de 60 sols estevenant applicable à mond’Seigneur ». T166

Autres droits du Seigneur
Nous trouvons dans les Registres à terrier de 1667 et 1669 la reconnaissance des droits du Seigneur de Châtel de Joux et par le fait des redevances des habitants, il serait trop long de les énumérer et de les expliquer. Je suis contraint de me borner à quelques-uns.

Un des plus curieux était : « les droits d’indire et imposer et lever aide es-quatre cas, à savoir pour voyage d’ outre – mer (croisades) ; nouvelle chevalerie, (quand le seigneur armait son fils chevalier ) ; pour le mariage de sa fille, et enfin, lorsque devenu prisonnier, il devait payer une rançon » Ce droit n’était dû qu’une fois au même Seigneur. Les habitants de Châtel de Joux, ainsi que ceux des nombreuses communes dépendantes de la baronnie de Clairvaux , refusèrent de payer « l’aide es-quatre cas », lors du mariage en 1762 de Louise-Bénigne-Françoise-Octavie-Marie-Jacqueline-Laurence, princesse de Beaufremont, fille unique de Louis de Listenois, célébré en la chapelle du château de Scvey-sur-Saône le 24 novembre 1762.
« Lesd’de Châtel-de-Joux, reconnaissent et confessent à mond’Seigneur, droits d’avoine et de charrue, droits de guet et de garde, montant à une demy poule et six rey d’avoine, droit de mesure, le droit expresse de recevoir lui seul de nouveaux habitants sur le territoir de Châtel-de-Joux, même comme pasteur de troupeaux ou chaufourniers, droits de lods, ventes et relods au feurg de deux gros et une Engrogne par chacun franc, droit de « cens », ou de  » coutumes « , sur certaines maisons du village pour en avoir donné le terrain à bâtir moyennant une redevance annuelle : le cens étant de la quantité de six rez d’avoine et deux blancs d’argent par chacun feug des manans, habitants et résidants …à la réserve « des Perretiers », en conformité de leurs franchises dont ils furent avoir et dont ils ont été maintenus être en possession. Et lequel cens croît ou décroît suivant le nombre de feug qui se trouvent annuellement rière led’village et territoire… »

 Relativement au droit de chasse, le seigneur se le réserve complètement sur tout le territoire de Châtel de Joux, alors même qu’il s’agirait des bêtes fauves et féroce, de même pour la pêche au lac de la Censière ou de Quintigny.
Disons dès maintenant que pour Etival et Ronchaux, la réserve n’était pas aussi absolue. « Il n’est permis de chasser …..sauf aux habitants desd’lieux qui en ont le droit et en ont usé de tous temps », sans doute les nobles ou gentilshommes possédant des fiefs ou arrières-fiefs.
Relativement à la banalité des lacs d ‘Etival, nous trouvons encore cette différence
« competer et appartenir à mesd’Seigneur Abbé de Saint-Oyan et Seigneurs de Clairvaux , deux lacs banaux à mesd’Seigneurs en telle authorité qu’il m’est permis à qui que se soit d’y pescher ou faire pescher… à la réserve des sieurs Chapelains de la Chapelle d’Estival et les féodaux de mesd’Seigneur…sans y pouvoir entretenir bateau……»

1911-06

Enfin dans l’énumération des droits du Seigneur, nous arrivons à la fameuse « Dîme » (disme), dont après plus d’un siècle, ….. disons d’abord que la dîme n’était pas une redevance féodale proprement dite, mais une aumône faite à l’Eglise, elle était le don temporel accordé par les fidèles aux pasteur redevance d’Eglise, la dîme, néanmoins fut perçue par le seigneur dans une multitude de localités.
Mais ce droit ne leur appartenait point en propre, C’était un droit, le plus souvent usurpé sur la puissance ecclésiastique, quelquefois librement cédé par celle-ci.
C’était d’une libre cession de l’abbé de Saint-Oyend que le seigneur de Châtel de Joux tenait son titre de codécimateur.
En effet :   «dans les nouvelles conventions de l’acte de 1265 renouvellent le traité d’association de 1234, il fut convenu que la dîme serait partagée par moitié entre le suzerain (abbé de Saint-Oyend) et le vassal (Ponce de Cuisel). »

Sans doute il y eut encore d’autres modifications à ces conventions primitives car nous voyons au registre à terrier de 1669 que :  « A Châtel de Joux la dîme se paye moitié au seigneur dud’lieu, et moitié au prieur de Clairvaux : savoir la disme de seigle, froment, avoine et orge sur le champ au feurg (taxe), de douze gerbes l’une ou douze andains l’un -Etant libre aux percepteurs desd’dismes de commencer à lever iceluy, (gerbe ou andain) du côté que bon lui semblera, et aussi d’avancer ou reculer trois gerbes ou trois andains – Et ne pouvant lesd’du Châtel-de-Joux n’y autres ayant fait lesd’grains sur led’territoire, charger leurs chariots n’y enlever leurd’grains de leurd’héritage qu’ils n’ayent crié trois fois à haute et intelligible voix le cri « dixmier, dixmier, dixmier » afin de nombrer et relever la disme à paine de tous frais et intérêts et de l’amande de 60 sols estevenants applicable au profit de mond’seigneur… Et quand aux autres grains comme orge meslée, vesse, pois, lentilles, fêves, et autres semblables la dixme s’en paye aux greniers après qu’ils sont battus au feurg d’une mesure par pose à la mesure du Châtel-de-Joux. »

Dans le registre à terrier de 1667, nous lisons pour Ronchaux :  « Compter pour mesd’Seignaurs (l’abbé et le Seigneur), chacun par moitié et égale portion des dixmes dud’Ronchaux…au feurg de onze gerbes andains….et les mesures du Châtel-de-Joux et s’appelle grabadis. »

 Pour Etival :  « competer et appartenir à sad’Altesse Seremissime don Juan d’Autriche, en qualité d’abbé le droit de percevoir et relever annuellement où faire percevoir par ses fermiers amodiateurs ou autres ayant de lui charge la dixmez dud’Etival auquel mond’seigneur de Clairvaux ne prend rien…au feurg de 12 gerbes l’une…et les graines battues au feurg d’une mesure par pose, à la mesure de Châtel-de-Joux. »

 En 1786 Etival payait à la mense Episcopale 830 livres de redevance en argent. Par contre, comme il conste d’une reconnaissance de 1781, l’Evêque de Saint-Claude ne percevait aucun droit sur Châtel-de-Joux ».
Tels étaient en résumé, les droits des Seigneurs, suzerain, vassal et possesseurs de fiefs, que nous trouvons exprimés avec les redevances des habitants de Châtel-de-Joux ,Etival et Ronchaux dans les terriers de 1667 et 1669.
A la fin du terrier de 1667 concerant Etival et Ronchaux nous lisons :  » Réserve faite sur toutes ces reconnaissances par le sieur Claude-François Dunod de Moyrans, docteur es droit au nom de généreux seigneur Messire Claude Humbert de Mandre, baron et seigneur de l’Aigle ,Vereux, Montureux , la Tour du Bois , Prénovel et les Piards. »

Relativement à des redevances féodales et à la dîme en particulier qu’on me permette quelques petites remarques.
C’est que 1 : Ces redevances sont payées en nature, proportionnellement au revenu de chaque année, double circonstance qui tend à en alléger le poids. Quand les saisons étaient bonnes et fertiles il en coûtait peu au paysan de payer un impôt sans être même obligé de mettre sa récolte en espèces sonnantes. Et quand la saison était mauvaise ou qu’un ouragan et la grêle venaient endommager ou ruiner sa récolte, la dîme se trouvait d’elle même fixée au prorata se la récolte, étendue sur le terrain. Pas n’était besoin de faire établir le chiffre des pertes par une commission qui base son estimation bien plus d’après l’opinion politique que sur la perte du sinistré. Pas n’était besoin de pétitionner, pour obtenir un dégrèvement parfois dérisoire ou un subside qu’on ne voit jamais venir et qui semble fondre dans les mains des distributeurs.
C’est que 2 : Ces redevances sont données à des Seigneurs qui vivent dans les lieux même et qui par conséquent les y consomment ; il en résulte que les habitants rentrent plus ou moins d’une manière ou d’une autre en possession des cens qu’ils acquittent.
C’est que 3 : Contrairement à telle assertion qu’on lit couramment dans les fameuses histoires à l’usage des enfants du peuple : Par exemple celle-ci « Le Clergé et la Noblesse qui possédaient tout ne payaient point d’impôts, le paysan qui n’avait rien payaient tout » Je dis que le Seigneur vassal lui aussi payait des redevances à son suzerain ou tout au moins au roi, payait également des redevances.
Et d’ailleurs si les manants et habitants de la seigneurie avaient des redevances vis à vis du seigneur, tout n’était pas bénéfice pour ce dernier. En retour de ces droits, la société féodale basée sur la justice chrétienne, lui imposait des devoirs.
Le seigneur leur devait justice et protection et eux étaient retrahans du château. Il est aussi un devoir du seigneur qui a laissé des traces dans la jurisprudence et dans l’histoire

« L’assistance des enfants trouvés « 

Les Hauts-Justiciers et aussi les seigneurs de moyenne et basse justice, étaient obligés de pourvoir à l’entretien des enfants trouvés dans l’étendue de leur justice, mais seulement quand ils avaient possession du trésor trouvé parce que les enfants étaient considérés comme une épave onéreuse. Quand il le peut, le seigneur place l’enfant dans l’hospice de la ville qui en possède un, mais il paie un abonnement fixé par l’établissement.

Note des rédacteurs : Dans le n°8 de « Mémoire vive » Joseph Romand retrace la féodalité des 3 villages. (Voir le journal)
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