Etival-Ronchaux

Les seigneurs d’Etival-RonchauxVie des villagesVie ParoissialeBâtiments

1912-01

Jusqu’en l’année 1822, Etival et Ronchaux constituèrent deux communes avec municipalités distinctes, mais intérêts matériels (bois, pâturages ) et spirituels communs et indivises.
C’est pourquoi je ne séparerai pas les deux pays dans la monographie qui va suivre.

Topographie

D’après ROUSSET dans le dictionnaire du Jura en 1855
« Estival, village de l’arrondissement de Saint-Claude, canton et bureau de poste de Moirans (La commune est aujourd’hui rattachée au bureau de poste de Clairvaux les lacs), perception de Saint-Lupicin (actuellement Moirans en montagne), succursale, composée d’Etival, Ronchaux et Châtel de Joux, à 15 km. de Moirans, 23 de Saint-Claude et 38 de Lons-le-Saunier.
Altitude : 796m, près du grand lac.
Le territoire est limité au nord par Châtel de Joux, au sud par Les Crozets, à l’est par Les Piards et à l’ouest par Moirans et Meussia. «Les Marechets-Giraud», «La Grange Piard », «Chez Mermet», «Le Chazal», «Le Crozat», «Le Chazal-Gruet»,«Le Chazal Châtelain», les anciens Chazals et Ronchaux font partie de la commune.
Il est traversé par la route dép. n°18, de Clairvaux à Saint-Claude, par les chemins vicinaux tirant de Châtel de Joux, à Meussia, aux Crozets, et par le chemin de la Crochère, par le ruisseau de la Sauge, par ceux des lacs, des «Amorettes» et de Ronchaux qui y prennent leurs sources.
( Voir carte. )

(Publication d’une étude sur l’habitat avec plan vers 1667.)

Le village occupe le fond d’une étroite vallée resserrée entre deux chaînes de montagnes qui font partie du second chaînon du Mont-Jura. Les maisons, autrefois dispersées sur toute l’étendue du territoire, sont aujourd’hui disposées par groupe, construites en pierres, couvertes en ancelle ou tavaillons et élevées d’un étage au-dessus du rez-de-chaussée.

Cadastre exécuté en 1833, surface du territoire 1377h 62a, divisés en 2855 parcelles que possèdent 241 propriétaires, dont 76 forains surface imposable 1340h 75a, savoir : 546h 71a en bois, 281h 61a en pâtures, 258h 31a en terres labourable, 140h 86a en prés, 80h 09a en broussailles, 29h 47a en friches et murgers, 2h 65a en sols et aisances des maisons, 01h 01a en jardins, d’un revenu de 7482fr.
La surface non imposable de 36h 87a était une ancienne forêt nationale.
Il y a trois lacs, appelés le Lac de la Sauge, le Grand et le Petit Lac. Le Grand-lac a une surface d’environ 4h, le petit de 1h 80a. Ils sont tous très poissonneux. On y pèche de la tanche, de la carpe, de la perche et du brochet.
(Voir l’intégralité du commentaire de Rousset.)

On trouve sur le territoire de la marne, des tourbières peu exploitées, des sablières et des carrières de pierres à bâtir et de taille de bonne qualité, exploitées. On y rencontre une grande quantité de coquillages fluviales et terrestres, des putrifications de poissons et d’autres animaux. »

Dom BENOIT dans « Histoire de l’abbaye de Saint-Claude », dit :« à l’Ouest de ce massif est une vallée droite, jetée au bas d’une longue file de rochers à pic, où passait au sixième siècle une des voies romaines qui menaient au lac d’Antre, (ville d’Antre), et où se sont formés plus tard les villages de Ronchaux et d’Etival. Mais cette vallée, bouleversée, bosselée, ondulée comme les vagues d’une mer en furie, est plutôt une série d’étroits vallons parallèles au « Mont de l’Echine » qui la domine de ses rochers gris couronnés de sapins. Dans le premier vallon se trouvent La Crochère, les deux lacs et Ronchaux.
De l’autre coté d’une première arête et sur une seconde arête entre deux étroits vallons se trouve le village d’Etival. Vallons verdoyants ou marécageux, arêtes en partie rocheuses et garnies de buissons ou bois rabougri, poussant entre des milliers de lésines. Altitude moyenne de 815m. »

1912-01
ETHYMOLOGIE

(Estivax, Estival, Etival ) «Etival, ce lieu appelé œstivax dans la charte latine de 1234, parait être un des «astiva castra» de la Séquanie ou un «œsivali campus» espèce de quartier d’été pour les troupes romaines.»
ROUSSET en attribue l’origine à un monticule que les romains auraient fortifié. «Le nom d’Estival, oestiva castra, dérive d’un monticule que les Romains avaient fortifié. Cette station était destinée à protéger une route qui conduisait de Clairvaux ou de Pont-de-Poitte à la ville d’Antre, à Condat ou à Genève. Cette voie suivait la direction de la route actuelle. (…)Le castrum d’Etival était défendu par un castellum qui s’élevait à la place qu’occupa plus tard le château de Châtel de Joux. »

Cette station était destinée à protéger une route dont parlent les plus anciennes chartes de Condat, (Saint-Claude) et qui allait de la combe d’Ain à la ville d’Antre, Condat, Genève. Cette ancienne route passait par Clairvaux, Hautecourt, Préfontaine, Châtel de Joux et le territoire d’Etival, les Ronchaux.
Tous les auteurs s’accordent à y reconnaître une voie romaine, les lieux dit « A La Militaire » au sortir du bois avant Châtel de Joux, « La Rajeat » aux Ronchaux « La Borne » entre Châtel de Joux et Etival « Les Levées » avant d’atteindre les Crozets, marquent le passage de cette voie antique. (Voir précisions.)

De plus on a découvert à Etival et aux Ronchaux en plusieurs fois, des médailles romaines de différentes époques notamment en 1806 au lieu dit « Au Grand Champ » près d’Etival, un vase «anaglyptique» en bronze contenant 1.500 médailles d’argent du bas empire. Voici la liste incomplète des personnages présents sur ces médailles :
– Gordien
Philippe de Décius(201/251)
– Otacilla severa
Mariniana (frappée à l’occasion de son apothéose.)
Gallus(Assassiné en 253)
Commode(31/08/161 – 31/12/192, empoisonné par sa maîtresse)
– Valérien(exécuté en 259 ou 260 en captivité par Sapor 1er roi des Perses)
Dioclétien(245/313, il rétablit l’unité de l’empire Romain)
Ces monnaies sont en grande partie conservées au musée archéologique de Lons le Saunier.
(Voir Mémoire Vive 1-2014 Joseph Romand)

 Le « castrum* » d’Etival devait être défendu par un « castellum* » qui devait s’élever à la place qu’occupera plus tard le château de Châtel de Joux.
Ce village parait donc avoir succédé à une bourgade Gallo-Romaine. Le passage d’une voie romaine en cette vallée, la découverte de pièces de monnaies en divers endroits, amènent ainsi ROUSSET à conclure à l’existence d’un « castrum » ou camp militaire, puis d’un village Gallo-Romain.

Une telle origine étymologique est possible mais, ce n’est qu’une hypothèse parmi tant d’autre. Généralement l’emplacement de camp romain, quand il ne présente plus aucun vestige de circonvallation, est marqué par une dénomination particulière, qui en rappelle le caractère et qui généralement se perpétue à travers les âges.
Ainsi les lieux dit : «Au Camp», «En Rochettes», « Sur Les Rettes », « Es-Chesaux » dit Mgr Edouard CLERC dans son livre :
« La Franche-Comté à l’époque romaine », indiquent généralement un point de défense, de campement ou d’habitations romaines.
On y trouve ordinairement des tuileaux, des pièces de monnaie et des travaux de circonvallation comme par exemple à Soucia au « Champ De La Rochette », ou à Saint-Maur « Sur La Rochette » où, en 1894 on a découvert les restes d’une tour carrée aux murs d’une épaisseur de 1m.
Ainsi en est-il d’Etival dans les Vosges, où se trouvait une ancienne abbaye et dont la chapelle sert d’église paroissiale, près de laquelle on voit, sur la montagne du Répi, un camp romain qu’a décrit M.GRAVIER en 1826. Cet archéologue fait observer que son Etival se nommait anciennement Estival et il pense qu’il avait été dans l’origine un camp statif* « œstiva ou stativa castra. »

En est-il ainsi de notre Etival du Jura?
Ici aucune dénomination particulière ne permet de déterminer l’emplacement d’un camp d’été. Parmi tous les lieux-dit, il n’en existe aucun sur toute l’étendue du territoire qui rappelle l’idée ou le fait d’un camp quelconque. Toutefois plusieurs monticules pouvaient à la rigueur en fournir l’emplacement,
– 1° L’endroit dit « Au Chazal », dénommé dans les vieux titres (1667) « Aux Chazeaux », « Es-Chezeau », « Sous La Vye. » Ce lieu proche de la « Fontaine Des Saugives », se trouve peu éloigné du « Grand Champ » où fut découvert le vase de bronze renfermant les médailles romaines, mais le monticule qu’il offre est insignifiant pour ne pas dire inexistant.
– 2° Le « Mont-Paradis », proche des lacs et pouvant assez bien fournir l’emplacement d’un camp, mais il est trop éloigné de la voie à protéger.
– 3° Etival même, offre également un monticule pouvant à la rigueur servir à l’établissement d’un camp. De plus il est proche de l’ancienne voie romaine.
– 4° Le lieu-dit « Sur La Baume » entre Etival et Ronchaux, est peut-être le site qui, à première vue présente le mieux l’aspect d’un ancien camp, du côté qui regarde et domine la voie à protéger, avec ses monticules régulièrement et symétriquement échelonnés comme des terrasses, on croit vraiment reconnaître la main de l’homme. Cependant, à l’examen, ces échelons sont le fait de charières pour faciliter l’accès à « La Baume. »
Il ne semble pas que l’analyse de ces données soit suffisante pour établir d’une manière précise l’emplacement ni même l’existence d’un campement romain à Etival.

1912-02
Il existe une autre hypothèse concernant l’étymologie du nom d’Etival
A Etival, il existe un lieu appelé « Sous Le Moustier » et un chemin venant de la grande voie romaine des Ronchaux à Etival qui se nomme « La Vye Du Moustier. »

Les champs dits « Sous Le Moustier » sont situés au flanc du coteau où s’élevait la vieille chapelle et l’église transformée actuellement en maison d’habitation. Cette dernière en 1910 appartenait à Madame la colonelle Alphée BUFFET. Or d’après les données de ROUSSET et de Dom BENOIT comme d’autres savants et d’après les règles étymologiques la dénomination de « Moutier », « Moustier » vient de « Monastérium », monastère. D’où l’hypothèse, de l’existence à Etival d’un monastère ou tout au moins d’une celle monastique.
Une page de Dom BENOIT, dans « Histoire De La Terre De Saint-Claude » peut confirmer cette thèse :
« Dans l’histoire monastique, il faut distinguer trois espèces d’établissements: L’Abbaye, les prieurés, et les celles ou granges monastiques.
– L’Abbaye est un monastère qui ne dépend d’aucun autre monastère, au moins dans son gouvernement ordinaire.
– Le Prieuré est un monastère qui dépend d’une Abbaye et se trouve constitué d’une manière stable avec l’office liturgique et toutes les observances de l’ordre.
– La Celle
est un établissement moindre, dépendant soit d’une Abbaye, soit même d’un simple prieuré, dans lequel la vie liturgique et la vie régulière n’ont pas toujours leur plein développement. Lorsqu’une Celle a pour destination une exploitation rurale, on lui donne spécialement le nom de grange monastique ou simplement de grange.
L’Abbaye est la Maison Mère, les Prieurés en sont les membres parfaits et définitifs; les Celles sont les membres moins parfaits des Abbayes, les dépendances des Prieurés, ce sont des maisons obédientielles d’un caractère plus précaire qui étend l’action de l’Abbaye ou du prieuré hors de son enceinte, à des offices lointains et particuliers comme la culture du sol.

Jusqu’au XIIIème siècle les Celles ou granges monastiques ont été fort multipliées autour des Abbayes et des Prieurés, elles ont donné naissance à des milliers de villages par toute la France. »
A l’étude des premiers établissements faits par Saint-Romain et ses moines dans les vallées qui avoisinent Condat, nous entendons parler de Celles ou granges. Là, quelques religieux sont détachés du Monastère principal pour soigner le bétail, s’occuper de la culture, vaquer à des travaux divers. Ils vivent dans des cellules de bois, car plusieurs années encore à Condat comme dans les Celles, le bois sera le seul matériau utilisé pour la construction des bâtiments. Plusieurs de ces Celles peut-être ne sont pas habitées toute l’année, mais seulement pendant les mois d’été, à l’époque des semailles ou celles des récoltes. Dès lors la dénomination naturelle de ces Celles d’été est : « Cella œstiva. »
Qu’il y ait pu d’abord avoir une celle monastique à Etival, cela semble tout à fait naturel. Et, sans toutefois en faire remonter la création, au temps des premières Celles similaires de Saint-Romain, il dut y en avoir une relativement tôt.
La terre de Saint-Claude, par la suite des dons princiers et successifs qu’elle reçut s’étendait jusqu’à l’extrémité de la vallée des Ronchaux et d’Etival, puisqu’en 1218 l’abbé de Saint-Claude fait une réclamation contre le sire De CLAIRVAUX concernant le don que ce dernier a fait à l’Abbaye du Miroir, puisque aussi en 1234 l’abbé de Saint-Claude prouve au sire De CUISEL que celui ci a bâti un château-fort sur le territoire de son Abbaye.
Or on ne voit pas de meilleur prise de possession de la vallée que l’établissement d’une Celle monastique. Après Condat, (Saint-Claude), le prieuré de Lauconne (Saint-Lupicin), fonder à son tour de nombreuses Celles ou Monastères à Moirans et dans la Combe d’Ain, dès lors à plus forte raison, il dut en fonder dans une vallée plus proche, ayant un aboutissant par la gorge des Crozets et la voie romaine et située sur le territoire de l’Abbaye.

Enfin dans la charte de 1234, voici une nouvelle suspicion de cet établissement. On y voit que le sire De CUISEL a des prétentions sur les pâturages de Saint-Lupicin et que d’autre part l’abbé prouve grâce à des titres que le domaine de l’Abbaye s’étend jusqu’à Joux « Propre Oestivax », soit Châtel de Joux. Or, où étaient situés ces pâturages de Saint-Lupicin dont nous voyons jusqu’à la Révolution, le territoire paroissial s’étendre jusqu’aux Crozets ? Pour que le sire de Clairvaux puisse élever des prétentions, il semble que ces pâturages ne devaient pas se trouver proches de Saint-Lupicin, mais plutôt aux extrémités de la terre de Saint-Claude, éloignés de Saint-Lupicin quoique dépendants du Prieuré, c’est-à-dire à Etival, d’où la conclusion qu’il y avait en ce lieu une celle ou grange monastique. On y gardait et élevait du bétail, on y cultivait les endroits les plus fertiles et l’hiver à cause des rigueurs de la saison, on descendait à Saint-Lupicin, climat plus tempéré, d’où le nom de « Cella Oestivax » d’où peut également dériver le nom d’Etival.

Belle hypothèse direz-vous soit! Mais qui vaut bien la précédente. En effet il y a au village d’Etival même un lieu dit «sous le moustier», il y a un chemin quittant la grande voie romaine des Ronchaux à Etival dénommé «la vye du moustier», tandis que sur tout le territoire aucun lieudit, aucune dénomination, qui rappellent ou établissent l’existence d’un camp.Quoiqu’il en soit de l’étymologie d’Etival que son nom vienne de «œstiva castra» ou de «cella œstiva» ; qu’il y ait eu en cette vallée des habitations gallo-romaines ou un monastère de Condat, les noms d’Estival et de Rochal, Ronchal, Ronchaud, ( ainsi nommé sans doute à cause des roches à pic qui la dominent à l’Orient ) n’apparaissent dans les Chartes qu’à la fin du XIIème siècle.