Châtel-de-Joux

La chapelleLe château de JouxLa SeigneurieLes seigneursLa CrochèreHistoire des Janlorant

1911-03

Topographie.

Châtel-de-Joux est situé dans la région montagneuse de la rive gauche de l’Ain, au fond d’une gorge hérissée de petits monticules faisant l’effet de fortins naturels, à une altitude de 810 mètres. Cette gorge resserrée débouche du côté sud, par le ruisseau du « lac de l’Assencière » ( Voir le lac ) ou « Rayette » dans une autre gorge nommée « En Giron » qu’elle même commence au pied du « Saut du Dard », magnifique cascade en queue de cheval d’environ 50 mètres de hauteur. Du côté nord, le torrent venant « des Saugives » et le bief du « Grand Diève » qui traversent le village, se précipitent à travers de véritables déchirures de terrain d’un aspect sauvage, puis d’un premier bond de 20 à 30 mètres au « Saut de la Brème » et d’un second moins élevé, quelques mètres plus bas tombent dans la vallée du Drouvenant en amont du village de La Frasnée.

Je commence cette monographie par Chatel-de-Joux, non que ce village ait existé avant Etival, le contraire paraît tout indiqué par ce fait que l’abbé de Saint-Claude reproche aux Sires de Clairvaux d’avoir bâti un château-fort dans la joux proche d’Etival « Castrum de Jure prope Estivax » ; donc sans autre préambule :
Si l’on recherche l’origine des agglomérations de maisons qui constituent nos villages et la plupart même de nos villes, nous voyons que le plus souvent elles se sont formées autour des monastères ou au pied des château forts.
Ce sont des hommes fatigués des luttes et des combats qui viennent chercher auprès des moines avec les secours de la religion, l’exemple du travail de la terre ou de l’industrie.
Ou bien l’abbé les envoie sous la direction d’un moine ou deux, défricher une vallée concédée par les chartes royales et au milieu de laquelle s’élève un prieuré ou tout au moins une celle ou grange monastique. Plus ou moins disséminées à l’origine dans les divers vallons les maisons s’agglomèrent autour de la maison monastique.
La plupart des villages du Haut-Jura ont été ainsi formés.

D’autrefois de paisibles colons voyant sans cesse leurs récoltes détruites et brûlées par les invasions des peuplades voisines, viennent se réfugier eux, leur famille et leurs bestiaux au pied d’une forteresse bâtie par un Seigneur belliqueux et puissant. C’est ainsi que se formèrent un certain nombre de villes et de villages : C’est ainsi que dut se former Châtel-de-Joux.

A l’époque , en effet , où nous voyons les sires de Clairvaux bâtir un château fort dans la Joux d’Etival . Il y a toute apparence qu’il n’y avait pas de village proprement dit en cet endroit. Toutefois à cause de la voie romaine qui, passant en cette gorge, menait à la ville d’Antre à Condat (Ancien nom de St-Claude) et Genève.
En raison également de sa position à l’extrémité de la terre de Saint-Oyand, il pouvait, il devait y avoir tout au moins quelques meix ou fermes,  La tradition rapporte que Saint-Claude venant de Besançon ou de Salins sa ville natale pour entrer au monastère de Condat au VIIème siècle, passa la nuit à l’endroit ou depuis fut bâtie une chapelle en son honneur, chapelle qui existe encore. Or, il ne dut point passer la nuit à la belle étoile, mais plutôt dans une ferme et peut-être une celle ou une grange du monastère de Condat lui-même.
On comprend en effet que l’abbé de Saint-Oyand ait placé à l’entrée de ses terres une habitation, comme prise de possession, comme aussi pour la protection et le refuge des voyageurs ou pèlerins, qui pour se rendre au monastère devaient traverser de vastes forêts, un vrai désert, de la combe d’Ain à la vallée de la Bienne.

D’ailleur les champs qui entourent le monticule où la tradition place le repos de Saint-Claude et sur lequel s’élève la chapelle portent la dénomination « sous le moustier »

Mais après la construction du château -fort et l’acte de transaction de l’abbé avec le seigneur de Clairvaux, un village se forma autour du château de Joux et en prit le nom : il s’appelle encore Châtel-de-Joux.
Ce fut quelques années avant 1230 que Hugues et Ponce de Cuisel ou Cuiseau, sires de Clairvaux bâtirent un château-fort dans la Joux près d’Etival (Castrum de Jure prope Estivax). (En savoir plus sur les de Cuisel.) Mais l’abbé de Saint-Claude réclama, reprochant aux sires de Clairvaux d’avoir bâti sur un territoire qui lui appartenait. (Voir carte de la terre des Abbés.) Grâce à l’intervention de Ponce, l’abbé de Beaume et prieur de Gigny, de Guillaume prieur de Sermaise, oncle des frères du Cuisel et Humbert, chapelain de Sarrogna, un accord fut conclu à Soucia, l’an du Seigneur 1234, entre l’abbé de Saint-Oyan, Hugues et les seigneurs de Clairvaux.
Il serait trop long de transcrire ici l’acte de transaction dont l’original se trouve aux archives départementales de Saint-Claude et dont je possède la traduction faite par un parent de Mr le colonel Alphée Buffet, qui me l’a communiquée ; j’en donnerai seulement les conclusions et clauses d’arrangement : (pour les plus curieux,voir le traité de 1234.)

Ce traité d’association fut renouvelé en 1265 par deux actes distingts entre Ponce de Cuisel et l’abbé Guy II , pour Ronchaux et dans le second pour Estival et Châtel-de-Joux. Il fut convenu dans ces nouvelles conventions que la dime serait partagée par moitié entre le suzerain (l’abbé de Saint-Claude) et le vassal (Ponce de Cuisel).

1911-10
Nous avons vu comment après la construction par les sires de Cuisel , d’un château-fort dans la Joux proche d’Estival (Castrum de jure prope Estivax.) les habitants des meix ou granges éparses sur le territoire et de nouveaux colons établirent leurs demeures sous la protection plus efficace du château. Leur groupement au pied de la citadelle forma le village qui prit et porte encore le nom de Châtel-de-Joux. Néanmoins, en plus des maisons ainsi groupées, plusieurs fermes demeurèrent dispersées sur le territoire :
– La grange des Crouzattes ou en Cueil.
– Celle de Combe-Rozier , dont on voit encore les ruines.
– Celles de la Crochères, comprenant plusieurs maisons de culture et deux ou trois moulins à bled et scieries que dès 1550 possédait M de Légna .
– De nombreuses loges de charbonniers disséminées dans la grand’forêt.
(Voir carte.) (Beaucoup de ces indications proviennent d’un ouvrage rédigé par Rousset.) (Voir l’intégralité du commentaire de Rousset.)

A quelle époque et de quel grand seigneur les gens de Châtel de Joux reçurent-ils leurs lettres de franchises, je n’ai pu le découvrir. Toutefois, « Le 19 septembre 1669, nous voyons les habitants dud’ Châtel de Joux avec l’échevin en tête, (Pierre-Benoît Jeannin) paraître pour la première fois assemblés en corps de communauté » lors des reconnaissances à terrier dont il a été parlé. Malgré son importance stratégique (du moins dans l’art d’autrefois), mais à cause de sa situation au milieu d’un territoire fortement accidenté et d’un défrichement et d’une culture difficile, le village ne fut jamais populeux. Voici quelques statistiques marquant la populations à diverses époques.
D’après un mémoire du conseiller Jacquard du 24 Octobre 1644, Châtel de Joux comptait alors 9 feux.
Au recensement de 1659, il compte 74 habitants. Remarquons en passant, relativement à ces dates, que le pays sortait de la guerre de dix ans et que Châtel de Joux avait été alors (comme il sera en 1674) un poste de défense et dès lors nous aurons la raison de la dépopulation du village.
En l’année 1785, on compte au village 22 familles avec 135 habitants, plus, disséminées dans la forêt, 25 familles occupées à son exploitation.
En 1790, le village compte 100 habitants.
Le 23 Messidor an III, (11 juillet 1795), il y a 26 citoyens, sans compter ceux des forêts dont le maire déclare ne pas savoir les noms.
En 1811, Châtel de Joux compte 111 habitants, 18 maisons, La Crochère, 44 habitants, 6 maisons.
(Voir plan de Châtel.) (Voir plan de La Crochère.)
En 1862, la commune compte 188 habitants.
En 1868, 182 habitants
En 1911, Châtel compte 68 habitants et La Crochère 32, Pour la commune 100 habitants seulement. Espérons que le fléau de la dépopulation est définitivement enrayé ; en effet, déjà de jeunes ménages donnent de brillantes espérances.

En septembre 1793, sur les désirs de la convention et en vertu d’une manie de l’époque, Châtel de Joux en haine de féodalité, prit le nom de La Crochère (dénomination de l’autre section), comme en haine de la religion, Saint Claude s’appela Condat-Montagne, Saint Lupicin de son nom païen de Lauconne, Saint Laurent « Main Libre ou Bel-Air » et Saint Maurice aux coteaux dénudés « Mont Fleuri »
Mais le 7 juin 1795, la commune a recouvré son nom primitif de Châtel de Joux. Le 19 novembre 1793 (29 Brumaire An II), fut donné ordre aux gardiens des titres féodaux des De Baufremont, de les déposer à la maison commune. Ces titres comprenaient 7 cahiers qui d’après la loi devaient être brûlés publiquement. Je ne sais s’ils furent livrés aux flammes, toujours est il qu’il ne reste à la mairie de Châtel de Joux que le livre à Terrier de 1669.

Nous venons de dire plus haut qu’en 1785 le village de Châtel de Joux comptait 135 habitants, non compris 25 familles disséminées dans les forêts des princes De Baufremont. Familles nombreuses et chrétiennes (dans le village et dans la forêt), comme on peut en juger par les actes de baptêmes consignés dans les actes de catholicité conservés à la mairie de Clairvaux. Ces familles ne disparurent des forêts que lorsque celles ci furent transformées en sapinières, le bois blanc et d’autres essences ayant été coupé pour faire du charbon servant à alimenter les forges de Clairvaux et de La Saisse près de Pont de Poite. Il ne reste de ces diverses agglomérations forestières que la maison « Du pré de la bouteille » habité en dernier lieu à demeure fixe en 1877 par une famille du nom de Duvois.

Sans vouloir nullement mettre en doute le patriotisme des habitants de Châtel de Joux, lors des guerres de l’époque révolutionnaire, nous voyons les jeunes gens se réfugier dans leurs forêts immenses et accidentées pour échapper à la levée des hommes de 18 à 25 ans.
Peut être le souvenir des luttes et représailles dont aux dires de leurs anciens, leur pays avait été autrefois le théâtre, ou bien encore leur peu d’attachement à un gouvernement persécuteur de leur religion, venaient-ils refroidir leur patriotisme. « Le 4 septembre 1793, le conseil de la commune déclare simplement ne savoir les noms des jeunes gens de la commune ». Toutefois, le 29 du même mois le procureur de la commune sur réquisition et lettres communicatoires du commissaire de recrutement, trouve cinq jeunes gens qui sans doute étaient sortis de la forêt, se sont : Alexandre Perretier ; Jean-Baptiste Lesne ; Alix Bonneville ; Jean-Claude Gentet ; Jean-Claude Berrod ; Jean-Claude Gentet, soldat volontaire au 4 bataillon du Jura en congé sera requis le II Fructidor An III, (28 Août 1795), comme charpentier pour travailler au pont de la pile, qui « doit être réparé et fait pour le transport des subsistances et armées ».
« Le 26 septembre 1793, le sieur Perraud, chirurgien vient à Châtel de Joux pour la perquisition de chevaux, il n’en trouve aucun ». et cependant, quelques semaines à peine précédemment, « le conseil de la commune avait délibéré pour fixer le pâturage des chevaux et des bœufs de trait ».Grâce donc à l’étendue de la forêt qui devenait leur véritable demeure, un certain nombre d’habitants de Châtel de Joux échappaient eux et leurs chevaux aux réquisitions et enrôlements. Quelques uns même étaient exemptés comme nécessaires à Mr Le Mire, directeur des forges de Clairvaux, ayant « l’entreprise de boulets de canons et de lames de canons à fusils pour l’armée de la république ». En cette même année 1793, nous voyons Mr Le Mire pressé par ses engagements, obtenir autorisation des chefs du district de réquisitionner non pas des charbonniers qui étant en sûreté se trouvaient toujours en nombre suffisant ; mais des voituriers à charbon, qui sous prétexte du mauvais état des chemins forestiers, mais en réalité pour échapper eux et leurs chevaux aux réquisitions du gouvernement , refusaient de conduire du charbon à son usine de Clairvaux.

 » Le 11 novembre 1793, An II de la République Française, une et indivisible, ensuite de la loi du 29 septembre dernier, ensuite de la réquisition du procureur d’icelle, nous maire, officiers municipaux de la commune de La Crouchère, avons taxés le prix des marchandises de première nécessité :
Le vin rouge et blanc à 10 sols la pinte
Le pin blanc à 5 sols la livre
Le froumage à 16 sols la livre
La viande fraîche de bœuf ou de mouton à 8 sols la livre
La viande fraiche de vache et de veau à 7 sols la livre
Le porc frais à 10 sols
Le lard salé à 19 sols
Les œufs à 7 sols la douzaine »