1912-07
FAMILLE DE LAUBESPIN
En même temps que les De RONCHAUX et les De GOUSSERRE, une autre famille noble possédait des terres à Etival, celle des De L’AUBESPIN. Cette famille de vieille noblesse, qui tire son nom d’un petit village proche de Saint-Amour, et où se dresse encore l’habitation seigneuriale, n’est pas éteinte. Elle se fait remarquer surtout par ses abondantes charités. (Voir la situation du château et le blason.)
En 1588 on trouve un Claude De L’AUBESPIN, seigneur de l’Aigle, et un Antoine De L’AUBESPIN, baron de l’Aigle gouverneur du Château de Joux à l’époque de la guerre contre les Turcs. Cet Antoine De L’AUBESPIN eut le courage d’épouser la veuve d’Etienne de SCEY, Bonne BUFFOT, que l’abbé Guillaume, historien des sires de Salins, dépeint, « comme une femme d’un caractère intraitable et de qui son mari s’était éloigné, aimant mieux avoir à faire aux Turcs et affronter la mort des combats que de soutenir contre elle une guerre d’escarmouches de tous les instants de la vie. »
« Le seigneur, baron de l’Aigle, possédait une chevance ou même le fief de Prévôté aux Ronchaux, provenant des fûts (défunts), sieurs de Goussèrre et de Ronchaux? »
D’autre part, les De L’AUBESPIN possédaient aussi une chevance à Etival « Messire de MANDRE, commissaire général des vivres en Bourgogne, en 1636, qui joua un rôle important dans la guerre de dix ans, époux de dame Claude-Françoise De L’AUBESPIN, baronne de l’Aigle, fit construire à Etival une maison seigneuriale qu’il habitait quelquefois. Vivant en mauvaise intelligence avec son mari et son fils, qui tous deux se distinguaient dans les rangs de l ’armée Comtoise, Claude-Françoise de Laubespin, toute dévouée aux intérêts français, refusa de mettre garnison dans son château de l’Aigle, en 1638. Puis confiant la garde de sa forteresse au baron de Laudes, son cousin, elle se retira dans sa maison d’Estival. Le baron de Laudes, s’installa au château de l’Aigle sous le titre de gouverneur avec trois soldats débandés. Il commença par convoquer les retrahants à une montre d’armes. Tous les chefs de famille arrivèrent munis d’arquebuses et de bâtons à crocs. La revue terminée, ils furent invités à déposer leurs armes dans la tour, sous prétexte de les avoir toute prêtés en cas d’attaque. Une fois désarmés on agit avec eux sans ménagement, on les soumit à d’énormes redevances, on les emprisonna, on pouvait se croire revenu aux plus mauvais jours de la féodalité? D’autre part, les Français sachant que le château de l’Aigle n’avait pas de garnison, pillaient et brûlaient tout à l’entoure. » Ce long paragraphe extrait du Dictionnaire historique du Jura, est sans doute l’expression de la vérité mais n’oublions pas, que nous sommes en pleine guerre de dix ans, et surtout ne généralisons pas, si la baronne de l’Aigle tient pour la France contre la Comté, son pays, si le baron De LAUDES n’est pas un soldat, mais un bandit, nous trouvons en face Messire De MANDRE et son fils Claude Humbert braves soldats et ardents défenseurs de la Comté.
Comme nous l’avons vu précédemment, Claude Françoise De L’AUBESPIN, baronne de l’Aigle, étant du coté des Français, refusa de mettre une garnison défensive dans son château de l’Aigle (près de la Chaux du Dombief) et se retira en sa maison forte d’Etival en 1638. Elle y vécut séparée de son mari et éloignée de son fils Claude-Humbert De MANDRE, vraisemblablement jusqu’à sa mort qui arriva en 1668. Messire Claude-Philibert DUNOD (frère de l’historien DUNOD), qui avait succédé à son frère Jacques DUNOD, comme curé de Soucia, fut appelé le 4 avril 1667 à Etival auprès du lit de mort de dame Claude-Françoise De L’AUBESPIN baronne de l’Aigle, qui voulut le rendre dépositaire de ses dernières volontés.
La gloire de ce personnage n’a pas percé l’ombre des années, mais voici l’acte contenant ses dernières volontés. Comme expression des mœurs de son temps, hasardons-nous à l’analyse de cette page.
« Elle y charge le pasteur de Soucia d’où dépendait la chapellenie d’Estival de l’inhumer dans la chapelle dud’ Estival et de lui faire des funérailles selon sa condition, elle destine à cet effet une centaine de francs? » Ce qui était peut-être beaucoup pour l’époque, car c’était un temps de ruines à cause des guerres, des famines et des pestes qui avaient si longtemps décimé le pays. « Elle le charge aussi de célébrer et de faire célébrer sans retard trois cents messes pour le repos de son âme. Elle offre de nouveau 500 livres aux carmes de Clairval-les-Vaudains, qui n’avaient pas encore pris de résolution sur la proposition qu’elle leur avait faite de fonder chez eux un Salut tous les jeudis de l’année : et en cas de non-acceptation elle recommandait à son héritier d’appliquer ces 500 livres à toute autre fondation au profit de son âme. Elle entend qu’a son quarantal, six pauvres habillés à ses frais porterons chacun un flambeau de cire blanche.
Elle priait le curé Dunod de régler les comptes de ses serviteurs et servantes et de tenir la main à ce que son héritier s’acquittât exactement de cette obligation. Elle lui fait en même temps recommander par le digne pasteur de se montrer reconnaissant envers M. Lyon-Daniel-Martin des services qu’elle en avait reçus.
Elle le chargeait également de donner sa bénédiction maternelle en son nom à M. Claude-Humbert de Mandre son bien aymé fils, de lui demander pardon à son nom, et à son nom lui pardonner. Et pour ce qu’elle ne voulait souffrir la conversation dud’ sieur son fils, elle en chargeait led’ sieur curé luy dire en secret le subject. »
Claude Françoise De L’AUBESPIN, baronne de l’Aigle mourut le 8 avril, suivant et d’après sa dernière volonté, son corps fut inhumé à la chapelle d’Etival, ainsi que le confirme l’acte de décès et d’inhumation au registre de la paroisse de Soucia :
« Baronna de Aquilla obiit 8 aprilis 1667, sepulta in choro Capillœ d’Estival, parochiœ nostrœ »
« La baronne de l’Aigle mourut le 8 avril 1667 elle fut enterrée dans le cœur de la chapelle d’Etival de notre paroisse. (Soucia) »
Son fils Claude Humbert De MANDRE son héritier vint habiter son château d’Etival, ainsi que le prouve l’acte de baptême suivant, dont voici la traduction
« Le 3 des ides de mai 1669, fut baptisé Claude-Humbert Bunod, son parrain fut généreux seigneur Claude-Humbert de Mandre, baron de l’Aigle, il était présent. »
Ardent défenseur de la Franche-Comté dans la guerre de dix ans. Claude Humbert De MANDRE n’avait rien perdu de sa vaillance, lorsqu’en 1668 les armées de Louis XIV envahissent la Comté.
Tandis que Claude Paul De BEAUFFREMONT s’allia en 1668 à d’autres seigneurs pour livrer la province à Louis XIV, Claude Humbert De MANDRE fidèle à son pays, organise la défense à Etival même. Il réunit les milices locales les organise et les exerce au maniement des armes, sous les ordres de Henri De LESAY, capitaine né de la terre de Saint-Claude, qui possédait des terres ou tout au moins un moulin à « La Crochère », ou encore sous ceux de Jacques Antoine De MAISOD, le principal héros de cette guerre en nos montagnes.
Claude Humbert avec un chef San-Claudien BONGUYOT, fait d’Etival un centre de résistance. Il est en relation aussi avec LACUZON et lui donne le droit d’habiter son château des Ronchaux ainsi que l’indique le document suivant.
Dôle s’était rendu le 14 février 1668, Gray le 19 février, le 21 février, LACUZON qui se trouvait à Saint-Laurent la Roche, écrit de nouveau et avec vives insistances aux échevins de Moirans, afin d’obtenir des munitions :
« Les embarrats où je me voits engagé maintenant ne me permettent pas de vous faire grand compliment. Délivrez à ces pourteurs trois cents livres de poudre et d’avantage si vous pouvez; Vous savé qu’en ces rencontres il ne faut rien épargner. Je promets de nouveau d’engager tous mes biens pour assurance du paiement. (J’ay de la vaisselle d’argent à Ronchaud, dans la maison de Mme de l’Aigle), plus que suffisante pour satisfaire à cet effet. D’ailleurs M. de Chisey qui est présent ici, cautionne la quantité de pouldre qui me sera délivré, et pour ce, oblige avec moy ses biens. »
Le Sieur De CHISEY signe seul la lettre et LACUZON y appose son cachet. Les échevins de Moirans ne purent envoyer que 170 livres de poudre.
A peine les armées françaises ont-elles quitté la terre de la Franche-Comté, Claude Humbert De MANDRE réorganise la défense. Au nom de sa majesté d’Espagne, il lève des impositions de guerre à Etival.
Claude Humbert De MANDRE avait épousé Claire Humberte De POLIGNY, qui mourut à Meynal le 17 février 1682. Sur la tombe placée en l’église de Meynal elle est inscrite comme veuve de Claude Humbert De MANDRE seigneur de l’Aigle.
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