La vie des villages

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1912-11
Etival – Ronchaux

Quoiqu’il en soit de l’étymologie d’Etival; que son nom vienne d’ « Astiva castra » camps d’été, ou de « Vallis œstiva » vallon d’été, ou mieux, ainsi que je crois l’avoir établi, de « Cella œstiva » grange monastique d’été ; Que celui de Ronchaux vienne de  » Roche » « Rochal » « Rocher », ou de « Rom-chod » bois des Romains, à l’opposé de celui des  » Galls , Gaulois », comme le marque Désiré Monnier dans l’annuaire du Jura de 1868. Il n’y eut pas dès le principe d’agglomération d’habitations constituant des villages proprement dits.

Des meix avec granges plus ou moins rapprochés de la Celle monastique, furent concédés à diverses époques. A mesure que le territoire se défrichait les colons se présentaient. Comme la vallée, ainsi que je l’ai dit, est constituée de petits vallons ou combes séparées les unes des autres par des arêtes rocailleuses, on retrouve des granges ou maisons en chacune de ces combes.
De nombreux chazals nous donnent encore une idée de ce que furent dès le principe les communautés d’Estival et de Ronchaux.
– La maison Charles
– Les chazeaux sous la vye ou chazal.
– Le chazal Gruet
– Les maresches Rives
– La grange
– La combe Tournier
– La maison du Ronchaux
– Les Levées
– Sous les Levées
– Aux Amarettes etc….   puis sur la montagne
– Les granges de Combe Garcier
– La combe du Tour
– de la Fauge (de la fange dans le texte)
– de l’Epinois
– de la Lierre
– du chêne
et sur les lacs un certain nombre d’autres jusqu’à la Chenalette.

A mesure que les maisons se multipliaient, le seigneur-abbé établissait une prévôté et concédait des fiefs : la circonscription se constituait en communauté.
Estival et Ronchaux constituèrent deux communautés avec chacune leurs éschevins propres; mais ayant leurs bois et leurs communaux indivisés et communs, nous le voyons par les actes suivants ; un premier acte daté de 1646 concédant le droit de « vaine pâture à l’honorable François Pyard, dit Romand des Piards dans certains prels au lieudit Cernois, Combe Garcier, à la Lierre, Cernois Roujon…de la part des eschevins et habitans d’Estival ont concédé les susdits endroits aud’François Pyard stipulant que dessus en ce qui les touche et concerne et sans préjudice des droits desd’habitans dud’Ronchaux que lesd’d’Etival n’entendent attenter ni déroger par cette, en façon que se soit, à raison que l’une ni l’autre des communautés desd’lieux d’Estival et Ronchaux, ne peuvent ni vendre, aliner, ni hypothéquer de leurs communs, ni donner aucun droit sur iceux que ce soit sans le consentement l’une de l’autre…fait et passé aud’Estival le dix-septième jour du mois de juin, après mydi de l’an mil-six-cent-quarante-six en présence de vénérable et discrette personne messire Denis Regaud, prêtre-Chapelain perpétuel aud’Estival. Signé: 1) Regaud, A. Berrey. notaire. »

Un deuxième acte daté de 1703, par lequel les habitans dud’Ronchaux reconnaissent à l’honnorable Henry Piard des Piards avoir cédé à son père feu honorable François Piard dit Romand des Piards, droits de vaine Pâture en plusieurs combes sur montagne, combe Garey, Hagnelet, Cernois-Rougeon, aux réserves que lesd’ de Ronchaux se sont réservés le droit après les premiers fruits levés, cueillys et amassés, de passer et repasser et pâturer par lesd’prés et héritages lorsqu’il leur conviendra distraire des bois des montagnes ou autrement comme bon leur semblera ; même qu’arrivant les malheurs de guerre lesd’habitans se pourront retirer et passer par lesd’prés en tout lieu et saisons pour et rester es montagnes étant environ d’iceux prés sans aucun empèchement… » Nous voyons d’après cet acte que ceux des Ronchaux avaient dù passer en 1646 un acte semblable à celui des habitants d’Estival et sans aucun doute avec les mêmes réserves que droits d’autant qu’il est dit ailleurs encore, « les forêts et Combes à la Lierre, Cernois, Combe Roujon et autres étaient territoire franc et de franche condition d’Estival et Ronchaux ».

Les habitants des deux communautés habitèrent donc dès le principe des maisons ou granges disséminées et placées au centre de leur exploitation rurale. Et cela plus particulièrement jusqu’a la fin du XVIème siècle.
Comme l’existence de nos ancêtres en ces fermes écartées doit paraître triste et malheureuse à notre époque d’agglomération à outrance. L’été, passe encore, car leurs habitants peuvent se voir et se fréquenter au moment des travaux ou tout au moins le dimanche en se rendant à l’église paroissiale de Soucia et plus tard à la chapelle d’Estival. Mais l’hiver, quand la neige remplit de ses concyres les charrières qui mènent à la grange, que les gens sont littéralement enfermés dans leurs maisons basses à moitié elles-mêmes ensevelies par la neige, combien malheureuse et triste, encore une fois, l’existence de tels habitants!
Sans doute ils n’avaient pas toutes les commodités et avantages que peut offrir le groupement du village, mais peut-être n’en avaient-ils pas certains inconvénients. Et d’abord, croyons bien qu’ils n’avaient pas plus, sinon moins que nous peur de la neige, et que s’ils n’avaient pas les skis, ils avaient les raquettes. Et puis ils savaient occuper les longues semaines et longs mois d’hiver.
Pendant que les vieillards octogénaires nonagénaires et parfois centenaires réchauffaient au feu de lâtre, leurs membres refroidis par l’age, les plus habiles fabriquaient les armoires à pain, (panarii opifices) et les fameuses ratières dont j’ai parlé au n° de janvier 1911, les serres (Scieries) du Coupet, de la Crochère, du Pravais et des Amarettes avaient servis à descier les planches nécessaires.
D’autres, dans les groupes de la montagne, armés du fenden fabriquaient les ancelles ou tavaillons nécessaires à la toiture des maisons . Pendant que la mère et les filles filaient le chanvre qui servira à faire la toile ménagère, et aussi à fabriquer le droguet, cette étoffe indéchirable et inusable, qui doit servir à revêtir toute la maisonnée. Les plus anciennes, avec la paille choisie, sous le fléau, fabriquaient les chapeaux plus ou moins vastes, à l’instar de ceux de la mode actuelle, qui tout en les coiffant, leur tiendra lieu d’ombrelle et de parapluie.

Mais de quoi vivaient-ils? Prévoyants comme la fourmi, ils assuraient à l’automne leur provision de farine d’orge, moulue aux moulins de La Crochère, Du Bief Sous Le Mont, Des Amarettes. Cette farine servait à confectionner un pain rafraîchissant et digeste et aussi les fameux Cassons d’une conservation plus qu’annuelle et que seule la cuisson pouvait amollir. L’huile des faines de leurs foyards alimentait la lampe fumeuse, et celle des noisettes de leurs buissons servait à l’assaisonnement des légumes, avec cela le laitage de leurs vaches ou de leurs chèvres et peut être déjà quelques tomes ou chevrets, constituaient la meilleure des nourritures.
Sans doute, direz-vous, mais en cas de maladies? Eh, mon dieu! Malades ils l’étaient bien quelques fois, tout au moins pour mourir. Mais alors en cas de refroidissement par exemple, une bonne suée, quelques infusions de bourgeons de sapin, de Thé des bois et autres plantes (remèdes de bonne femme), au printemps, quelques plantes amères remettaient le sang et rendaient la santé

1912-12
Dès le principe, avons-nous dit, les habitants des deux communautés habitèrent des maisons ou granges disséminées sur le territoire. Ce n’est pas à dire qu’il n’y eût qu’un noyau d’habitations aux Ronchaux, autour du château à Etival, proche de la chapelle.

Mais dès la fin du XVIe siècle, plusieurs causes dont nous verrons la gravité, forcèrent les habitants à se réunir en groupements plus compacts. Si bien qu’à l’exception de quelques fermes éloignées qui subsistèrent jusque vers le milieu du XIXe siècle, les villages d’Etival et de Ronchaux présentèrent à peu près les mêmes groupements qu’au temps actuel. D’ailleurs un nouveau genre de vie, l’établissement de fromageries dans les villages contribuèrent aussi à la disparition des dernières fermes écartées. Malgré le malheur des temps (guerres et pestes), au XVIe et XVIIe siècles, il est certain qu’Etival et Ronchaux eurent alors une certaine importance. L’existence d’une prévôté dont le titulaire possédait et habitait le château de Ronchaux, celle de plusieurs fiefs importants dont les maîtres et possesseurs nobles et gentilshommes avaient château et maisons fortes tant à Etival qu’à Ronchaux, la présence des De Ronchaux, des De Mandre, de Barons de l’Aigle qui habituellement y demeuraient, devait donner importance et bien-être aux habitants du pays. Nous y voyons dès le commencement au XVe siècle (1414), une chapelle avec chapelain perpétuel.
En 1630, «Maître Jean Voland, bourgeois de Saint-Oyan, de Joux, notaire publique et juré des cours d’icelle en présence des témoins en bas nommés…» établit un acte de vente « faict et passé au lieu de Ronchaux en la maison dud’notaire soubsigné le vingt-sixième jour du mois de juillet mil-six-cent et trente.»
Vers la même époque et sûrement de 1638 à 1678 année de sa mort, Anathole Berrez, d’Etival, fut notaire à Etival, de nombreux actes de vente en font foi. «En 1642, l’amondiataire de la seigneurie de Châtel de Joux, Estival et Ronchaux, était un nommé Rigoulet, sergent à Estival.» Toutes choses, me semble-t-il, qui nous montrent l’importance du pays à cette époque.
J’ai donné précédemment la liste des Eschevins des deux communautés, comme aussi celle des maîtres d’école. J’ai suffisamment prouvé alors que nos ancêtres n’étaient pas sans instruction. Quand au chiffre de la population des deux communautés, il varie suivant les temps. Moindre aux époques d’invasions et de peste, il augment aussitôt que ces fléaux ont cessé. Voici quelques chiffres qu j’ai pu découvrir à ce sujet.

D’après un mémoire du conseillé Jacquard, du 24 octobre 1644, Etival comptait 15 feux, Les Ronchaux 13 feux.
Le recensement de 1659, porte pour Etival 97 habitants et pour Les Ronchaux 127 habitants
En 1777, lors du procès de démembrement de la chapelle d’Etival de l’Eglise mère de Soucia, par devant l’Officialité de Besançon, Etival et Les Ronchaux comptaient 518 habitants.
Le recensement du 22 mars 1801, indique pour Les Ronchaux seulement, 26 maisons, 44 ménages et 240 habitants. Il porte aussi qu’il y avait aux Ronchaux, 4 charrues, 16 chevaux, 130 vaches, 30 veaux et génisses et 2 fromageries. Je n’ai pas découvert le recensement d’Etival de la même date.

Puis ce sont les chiffres portés dans l’Ordo diocésain, dans lesquels la paroisse entière entre en compte.
En 1851 : 694 habitants
En 1866 : 593 habitants
En 1906 : 432 habitants
En 1912 : 430 habitants

Relativement au mouvement proprement dit de la population, je ne saurais l’établir que durant le XIXe siècle (de 1800 à 1900), 1630 naissances et baptèmes et 1365 décès et inhumations dans la paroisse d’Etival. La moyenne de la première moitié du siècle pour les naissances, fut de 24 et de 12 seulement pour la seconde moitié.

  • 1829 : 24 baptêmes
  • 1835 : 29 baptêmes
  • 1837 : 26 baptêmes
  • 1843 : 30 baptêmes
  • 1844 : 12 baptêmes
  • 1847 : 9 baptêmes
  • 1860 : 9 baptêmes
  • 1865 : 19 baptêmes
  • 1867 : 24 baptêmes
  • 1882 : 4 baptêmes
  • 1885 : 5 baptêmes
  • 1893 : 1 baptême

Quand aux décès, la moyenne pour tout le cours du siècle fut de 14 décès par an. Les années ou la mortalité fut la plus grande sont :

  • 1817 : 28 décès
  • 1854 : 21 décès
  • 1868 : 25 décès
  • 1869 : 22 décès
  • 1873 : 20 décès

La cause de la grande mortalité en 1817 fut la disette, la chère année, durant laquelle M. Chavériat, alors curé de la paroisse, fit acheter de ses deniers plusieurs quintaux de farine, pour être distribuée aux plus nécessiteux de la paroisse. En 1854, ce fut le choléra qui accru de quelques unités le chiffre ordinaire des décès.

Et maintenant, amis lecteurs, si vous recherchez les causes des variations et surtout de la diminution de la population dans la paroisse au cours du XIXe siècle, laissez moi vous indiquer les deux principales à mon avis. La première que donne déjà Rousset (Dictionnaire du Jura), fut l’émigration d’un certain nombre de jeunes gens et jeunes personnes, dans les grandes villes où ils espéraient trouver sans doute plus de bien être et peut être plus de liberté. La seconde cause de dépopulation, du moins dans la deuxième moitié du siècle, peut être imputé au célibat d’un certain nombre, et aux mariages tardifs des autres.

Citons en cet endroit les noms des plus anciennes familles d’Etival et des Ronchaux. Ce sont d’abord les familles qui ont données leur nom aux meix dont elles étaient les tenancières à savoir à Etival:
-Les meix Janod dit Perrin
-Bel (d’où Jean Bel, Jambel en 1677)
-Berel(Berrez)
-Fraizier
-Janodet
-Bouchard

Aux Ronchaux
-Les meix Alardet
-Tournier
-Janod
-Russy
-Peruchet
-Bunod
-Paget
-Ronchaux

En 1548, 1592, 1594, on trouve en des reconnaissances à terrier les noms suivants aux Ronchaux : Girard, Bunod, Perruchet, Allardet dit Girod, De Goussère, Russy, Pierre Grus, Tournier, De Ronchaud, Devaux dit Fourg, Aux Amarettes, Denis Perrier dit Grand. En 1667 Claude Cassabois, Girard–Claudon, Quoniam, Bunod Quoniam, Devaux dit Fanez.
A Etival, 1592, 1594 : Janod dit Perrin, Fraizier-Huguenin, Berel, Janodet, Denis Berel dit Pion, Janod-Besson, Claude Pitiat, Lestivant. En 1667 avec les précédents : Henry Bouvier, Claude Mathieu dit Moure, Girod dit Rigolet, Pierre Paget dit Courvoisier, Estienne Hugon dit Jeannin.
Actuellement nous avons encore aux Ronchaux les noms de : Girard, Bunod, Bunod-Quoniam, Allardet, Deveaux, Cassabois, Girard-Claudon. A Etival, ceux de : Perrin, Berrez, Bouvier, Mathieu