Impositions de guerres – Pestes diverses – Route des pèlerins
Guerres et invasions
1913-01
Dans le bulletin de décembre dernier je disais que plusieurs causes avaient amené la disparition des maisons, écartées et forcées les habitants à se constituer en village.
Une des principales fut la série des invasions et guerres diverses qui, l’espace de plusieurs siècles, désolèrent la France et les provinces avoisinantes, je parle pas ici de l’ invasion des Normands de la fin du IXe siècle qui porta la désolation dans une partie de la France, s’arrêta aux frontières de la province du Comté et l’enrichit plutôt des précieuses reliques que les moines en fuyant apportèrent en nos pays, comme les reliques de Saint Maur et celles de Saint Taurin à Gigny, je ne dirai rien également de l’invasion des Hongrois au Xè Siècle, puisqu’elle ne s’étendit pas dans nos montagnes.
Mais voici venir au Xè siècle les Sarrazins, hordes musulmanes, qui, pendant plus de 40 ans ravagèrent la Bourgogne. Ils pénétrèrent jusque dans le Haut Jura. Près de 70 à 80 dénominations telles que
-le Champ Sarrazin à Saint-Christophe
-le Chateau Sarrazin,en Giron
ailleurs « La vye des Sarrazins, Fontaine des Maures, etc… dans la contrée et la terre de Saint-Claude, témoignent non seulement du passage dévastateur de ces hordes, mais de leur résidence du moins quelque temps dans nos régions. »Nous pouvons dire que la terre de Saint-Claude n’a jamais connu de plus grands jours de deuil. L’existence de nos ancêtres dut être pendant plusieurs années une vie d’alertes perpétuelles et de souffrances inouïes.
Ce que nous pouvons dire encore, c’est que les celles (granges monastiques), et les petits établissements faits par les moines dans les montagnes du Jura, furent contraints en bien des points de se disperser et de s’en aller en d’autres régions ou de se resserrer soit auprès de l’Abbaye, soit auprès des châteaux que l’on construisait de toutes parts.
Au XIVème siècle, dans la première période de la guerre de Cent ans, entre la France et l’Angleterre, les excursions des Routiers. Les Grandes Compagnies ou Routiers, je l’ai dit déjà, étaient des bandes ou multitudes de petites troupes qui paraissaient combattre soit pour la France, soit pour l’Angleterre, mais qui en réalité, n’étaient guère occupées qu’à vivre de pillage et d’aventures, n’importe sous quel drapeau.
Ils envahirent la terre de Saint-Claude. »Pendant les courses des routiers les habitants de Sepmoncel, de Mijoux, de Longchaumois faisaient continuellement le guet et garde au château de Saint-Georges, dont ils étaient retrahans, on faisait de même au château de la Tour-du-Meix comme à celui de Châtel-de-Joux, alors que (1361) Jacques Huet, un des chefs de bandes, vaillant et rusé, parcourait les bords de l’Ain, pillant et semant la désolation aux environs de Clairvaux. »
Au XVème siècle, ce sont les armées de Louis XI, roi de France.
Charles le Téméraire dernier duc et comte de la province, fut tué sous les murs de Nancy, en 1477.La même année Louis XI envahit la Comté, mais dut lever le siège de Dôle. « Seulement deux ans après Charles d’Amboise après avoir réduit et presque détruit les villes de Dôle, Arbois, Poligny, s’empara de la plupart des châteaux de la terre de Saint-Claude, ceux de Maisod, de Moirans, de Saint-Claude même »
Les villages du Grandvaux furent mis au pillage. Il en fut certainement ainsi de la vallée d’Etival située entre les deux régions ci-dessus et traversée d’ailleurs par la route la plus fréquentée de Clairvaux à Saint-Claude « La Route Des Pelerins » ancienne voie Gallo-Romaine.
A la fin du XVIème siècle et au commencement du XVIIème siècle, ce sont, »pendant près de cent ans, les incursions incessantes des protestants de Berne et de Genève, portant le fer et le feu dans tout le Haut-Jura et le terre de Saint-Claude.
La terre du Grandvaux et tout le bâty de Moirans furent entièrement ruinés. C’est à cette époque plus sanglante et désastreuse que lors de l’invasion des Sarrazins que d’après la tradition, remonterait la destruction complète et la disparition d’un village de 200 âmes, situé entre les Piards et la ferme de Nanchey. »
Enfin ce sont les armées de Louis XIV, qui pour s’emparer de la Franche-Comté, ne cessent de la menacer et de l’envahir en diverses fois de 1636 à 1678,année de l’annexion.
Ou plutôt ce sont les bandes de Longueville et les soudards de Bernard de Saxe-Weimar, que les troupes de l’Abbé, et celles du célèbre partisan Lacuzon, ne purent toujours arrêter en leur marche dévastatrice.
Or, en toutes ces guerres et invasions que je ne fais qu’énumérer, il est certain que la vallée d’Etival eut à souffrir et fut le théâtre de sanglants combats, comme aussi de terribles représailles de la part des ennemis.
Comme preuves de cette assertion, nous avons outre les archives de la mairie d’Etival plusieurs dénominations ou lieux dits du territoire.
Ce sont d’abord sur la montagne, au-dessus des lacs, les lieux-dits Au Châtelet et Au Cimetière. Dans la région cédée à l’honorable François Piard, en 1640 et « réservée en temps de guerre », se trouve un vallon avec au milieu un petit monticule appelé actuellement, Au Châtenet, (Combe Du Châtenet) Mais le vrai nom est Au Châtelet, ainsi que le marquent des actes de vendanges et de transactions qui se trouvent à la mairie d’Estival. Plus loin du côté des Piards se trouve Le Cimetière. Ces deux noms significatifs du Châtelet et de Cimetière, rappellent certainement un lieu de défense, un combat acharné, un lieu de sépulture.
Puis dans la vallée, du coté de La Panissette, ce sont encore les lieux dits La Mala-Combe avec pour débouché du côté des Levées, Le couloir Rouge double dénomination qui indique grandement, je crois, tout au moins, un sanglant combat.
Sans doute, je ne saurais dire à laquelle de ces époques sanglantes, se rattachent ces dénominations ou lieux-dits, mais encore une fois, ils prouvent certainement que la vallée eut à souffrir des guerres et invasions.
De plus l’acte de 1640 et celui de 1703, que j’ai cité déjà pour établir l’indivision des bois et communaux des deux communautés d’Estival et de Ronchaux, vient encore servir de preuve. Il y est fait en effet cette réserve « même qu’arrivant les malheurs de guerres, lesd’habitants se pourront retirer et passer par lesd’prés en tout lieu et saisons pour et rester es montagnes étant environ d’iceux prés, sans aucun empêchement » réserve qui indique de la part des habitants une précaution qui déjà leur avait servi et dont ils pourraient avoir besoin dans l’avenir. Nous verrons au prochain bulletin les impositions de la guerre auxquelles furent soumis les habitants d’Estival.
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