1911-03
Le château que les sires de Cuisel avaient bâti dans la Joux proche d’Estival et que l’abbé de Saint-Oyan venait de leur concéder, s’élevait au sommet d’une montagne en forme de cône tronqué. Il occupait une surface d’environ 20 ares, le rocher sur lequel il était assis s’élève à pic au nord-est et au sud-est à près de 40 mètres de hauteur. Le seul côté accessible était défendu par une muraille et un fossé large et profond. Un chemin tortueux serpentait contre les flancs de la montagne et conduisait à une grosse tour ronde servant de donjon, qui dominait les autres constructions. La vue dont on jouissait du château était bornée par une ceinture de rochers couverts de sapins et d’un aspect grandiose sauvage. Une seule échappée au nord, laissait apercevoir du haut du donjon les châteaux de Saint-Sorlin, de Châtillon, de la côte de l’Heute-sur-Mirebel – La tour du Montrond et le Mont Poupet de Salins . – Le château existait encore en 1669, ainsi qu’il en est fait mention dans le terrier de cette même année « Item lesd’ de Chatel-de-Joux reconnaissent et confessent compter et appartenir à mond’seign’r un château-maison forte érigée et construite sur une colline et rocher au-dessus du village dus’lieu avec un beau et notable pourpris ,(mur d’enceinte), tant sur lad’colline qu’au dépendant d’icelle du côté levant – au joignant duquel et aussy en la partie de bise et un grand et profond étang. »
En 1674 le château de Joux était encore un poste de résistance contre les Français . Nous le savons par une lettre d’un chef Comtois, Sans Claudien : Bouguyot daté d’Etival et par laquelle il demandait « quelques soldats pour renforcer le poste de Châtel-de-Joux. » cette lettre se trouve à la bibliothèque nationale avec un autre papier sur lequel sont transcris les noms des défenseurs recrutés dans le Grandvaux. ( Voir précision abbé Burlet )
Il dut tomber comme tant d’autres château féodaux sur l’ordre de Louis XIV après l’annexion de la province à la France : Bien que « Claude-Paul de Bauffremont eut été du nombre des grands seigneurs de Franche-Comté, qui avaient résolu de livrer la Province à Louis XIV et que son frère Pierre de Beauffremont de retour de la cour d’Espagne eût reçu du roi de France le commandement de deux régiments de son frère tué à la bataille de Saint-François »
Il ne reste de cette forteresse que les traces des murs d’ enceinte . Le tronçon de la tour que l’on voyait encore il y a quelques années à disparu sous le coups de vandales démolisseurs . Les magnifiques pierres taillées ont été employées à la bâtisse de maisons et dépendances du village.
1911-04
Le château de Joux comme tout château féodal, n’était point seulement l’habitation confortable des sires de Clairvaux ; mais plutôt une forteresse capable de présenter à l’ennemi la barrière d’un rempart puissant .Ce sont les époques d’invasions qui ont vu surgir ainsi presque partout ces citadelles, où tous les habitants de la région pouvaient trouver un abri. Et parfois le nom que portent ces forteresses ou ces campements indiquent le nom de l’envahisseur. Ainsi autour de nous à Meussia , le château Sarrazin qui dominait la gorge de Giron et la combe d’Ain – à Saint-Christophe , le champ Sarrazin rappellent l’invasion des ces redoutables infidèles . » Un chef militaire , le châtelain ou un de ses lieutenants , demeure ordinairement au château féodal, avec quelques hommes d’armes » En 1449 le 15 mai , nous voyons paraître comme témoin , pour Guillaume de Villersexel, seigneur de Clairvaux, dans son accord avec Etienne Fauquier, abbé de Saint-Claude , au sujet de la terre de Prénovel et des Piards un de Ronchaux qui signe : Guillaume de Ronchaux, chatelain de Châtel-de-Joux.
Une sentinelle veille toujours du haut du donjon ou de la tour du guet. (Une des petites ouvertures de la tour du guet peut se voir au-dessus d’une fenêtre de la maison de monsieur Emile Romand )
Lorsque l’ennemi paraît , la cloche du beffroi donne l’alarme, tous les hommes valides se réunissent autour du seigneur et avec lui donnent la chasse aux pillards. Dans les moments les plus critiques ,on rassemble au château les femmes , les enfants et les troupeaux eux-mêmes. Si l’ennemi ose attaquer la citadelle , il y trouve une résistance désespérée, dont il ne peut triompher qu’avec des pertes énormes. Aussi il est rare qu’il tente de s’emparer du château « Aussi dans le village, tous les hommes du seigneur ont obligation de construire et réparer le château ; il convient que la forteresse commune soit entretenue par tous.Tous ont l’obligation du « guet » et de la « garde », car les services de la citadelle qui protège les personnes et les biens du village, doivent être fait par les hommes valides du lieu. Tous ont l’obligation de la « montre d’armes » c’est à dire de paraître à la revue faite par le seigneur, dans les temps réglés ; car le soldat a le devoir de se présenter devant son officier aux jours et heures marqués. En retour du service fait au château, les habitants en sont les « retrahans » c’est a dire ils ont le droit « de s’y réfugier dans les moments critiques et d’y mettre à l’abri leur famille et leurs richesses »
« Et lesd’ de Châtel-de-Joux, Estival et Ronchaux reconnaissent et confessent être retrayans et tenus au guet et garde dud’ Châtel-de-Joux, appartenant à mond’seigneur de Clairvaux et y faire revue d’armes par devant ses officiers et le capitaine dud’château en temps d’imminent péril et lorsqu’il leur est ordonné ,à peine de l’amende de soixante sols estevenants quant aux défaillants » Traité.1669-
C’est ainsi que le château de Joux fut un point de résistance et de refuge des habitants disséminés sur tout le territoire lors de la fameuse invasion des « Routiers » en Bourgogne , dans la première période de la guerre de Cent Ans , entre la France et l’Angleterre.
Les « Grandes compagnies » ou « Routiers » étaient des bandes ou multitude de petits groupes , qui paraissaient combattre soit pour la France, soit pour l’Angleterre , mais qui en réalité n’étaient guère occupées qu’à vivre de pillage et d’aventure, n’importe sous quel drapeau.
En 1361 , Jacques Huet, un des chefs de bandes, vaillant et rusé , parcourut les bords de l’Ain , pillant et semant la désolation aux environs de Lons-le-Saunier et de Clairvaux , Mais j’ose croire qu’il ne put s’emparer du château du sire de Châtel-de-Joux, et si les campagnes furent ravagées, du moins leurs habitants échappèrent aux coups de l’envahisseur.
Le Château-de-Joux fut encore un lieu de défense et de refuge lors des incursions des « Protestants au XVIème siècle dans la terre de Saint-Claude ; comme aussi , ainsi que nous l’avons dit déjà ,pendant la guerre de dix ans et la conquête de la Franche-Comté, par Louis XIV » Ainsi d’ ailleurs qu’il était convenu dans la Charte de 1234.
Nous l’avons vu dans la reconnaissance et description sommaire du Château-de-Joux qu’il est dit : « au joignant duquel(château) , et aussy en la partie de bise , est un grand et profond étang » Cet étang d’une superficie de 1 hectare 70 ares , supprimé depuis de longues années et converti en une prairie marécageuse , appartient aux enfants de m.Séraphin Jeannin.
Son déversoir au temps des seigneurs, faisait marcher au pied du château une scie à bois (à la serre) et plus loin un moulin à « bled ». Ce moulin fut dans la suite transformé en clouterie par M. Lemire , puis en dernier lieu en tuilerie et poterie . De ce bâtiment il ne reste qu’un chazal aux ruines résistantes.
A propos du susdit étang , j’avoue n’avoir pas trouvé dans les papiers qui m’ont passé sous les yeux, pas plus dans les titres conservés à la mairie de Châtel-de-Joux, qu’a celle d’Etival et d’ailleurs l’article en vertu duquel (d’après certain primaire d’ antant qui affirmait lire sur les titres dans lesquels il avait au préalable intercalé sa prose mensongère) « Les manans et habitants des d’Estival, Ronchaux et Chasteau-de-Joux, devaient se relayer la nuigt pour battre à grandes gaules les eaux dud’étang, afin d’épouvanter les grenouilles, bêtes vraiment incommodes, dont les cris et coassements pouvaient troubler le sommeil et repos du sire châtelain et ses dames, ou tout au moins leur causer des cauchemars et songes effrayants. »
Les anciens auditeurs pourront juger si c’est du moins en cette forme que leur fut narrée cette bourde, qu’avec tant d’autres on essaya de leur faire accroire dans ces fameuses conférences et lectures du soir.
Et dire que d’après Mr Guiraud professeur d’histoire à la faculté de l’Etat de Besançon ,les fameuses histoires intangibles remises entre les mains de vos enfants , sont écrites avec le même soin de vérité……….
Pour moi j’aime mieux croire que l’étang servait à la défense du château.
En cas d’attaque on ouvrait l’écluse et l’eau se répandait au pied du rocher ou l’arrêtait un fort barrage , formant ainsi plus qu’un fossé, un nouvel étang ; le premier devenant alors un marais dangereux , qui étendait sa ligne de défense.
Voir aussi la revue » Mémoire vive n°8 « de Joseph Romand.
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